Hausse des coûts et restrictions budgétaires. 2024, le défi de la création de valeur pour les DSI

Depuis la pandémie COVID-19, le contexte économique global alterne des périodes de crise et de relative détente qui soumettent les entreprises et les organisations publiques à une pression budgétaire accrue, en raison d’une trajectoire inflationniste des coûts.

Les directions des systèmes d’information en font également le constat sur tous les postes de gestion relevant de leur périmètre :

  • Sur les coûts directs :
    • Les matériels : 15% en moyenne (*),
    • Les logiciels (Saas ou On Premise), avec des hausses frôlant les 20% depuis 2023 (*),
    • Les prestations de service IT,
    • Les salaires : 11,19 % de septembre 2020 à septembre 2023 (indice Syntec), avec plus de la moitié de cette hausse (6,55% depuis septembre 2022).

(*) communiqué du CIGREF de juillet 2023 sur la hausse galopante des coûts IT.

  • Sur les coûts indirects
    • L’énergie,
    • Les assurances

En cette fin d’année, qui marque pour de nombreuses organisations la fin d’un cycle budgétaire et l’amorce d’un nouveau calé sur l’année civile 2024, les tendances sont claires : les budgets devront être revus à la baisse. Et ceci globalement pour tous les services afin que les directions générales soient en mesure de conserver un minimum de marge de manœuvre pour s’adapter à un contexte VUCA sans recourir à des emprunts financiers.

La mère des batailles : l’OPEX

Par ce nom (contraction d’OPerating EXpenses), c’est le volet « charges » du budget qui est désigné (et non pas le terme d’Opérations Extérieures qui relève du domaine militaire quoique l’optimisation des OPEX IT puisse relever du parcours du combattant 😊).

C’est en effet, ce volet auquel les directions financières et les directions générales sont le plus sensibles car il conditionne directement le calcul de l’excédent brut d’exploitation et donc la capacité d’auto-financement (capacité à générer de la trésorerie).

Les composantes de l’OPEX IT sont bien connues :

  • Coûts directs :
    • Prestations de maintenance (matériels, logiciels),
    • Prestations de service
      • Les charges qui relèvent de prestations techniques constitutives à la mise au point d’un nouveau système sont parfois intégrées dans la rubrique « Investissements » du budget.


Les conseils spécialisés du contrôle de gestion et de l’expert-comptable sont vivement recommandés afin d’identifier correctement les charges qui pourront rejoindre les amortissements et celles qui resteront dans les charges externes.

  • Coûts des réseaux informatiques et téléphoniques (pour la location, l’usage étant souvent refacturé aux directions métier),
    • Charges de personnel (équipes IT, intérims).
  • Coûts indirects
    • Ce sont des coûts refacturés par le contrôle de gestion ou la direction financière, relatifs à des charges de structure qui ne peuvent être isolées sur un poste de dépense précis (vision analytique des coûts).


Par exemple des charges globales sur le siège d’une entreprise comme l’électricité, l’eau, les assurances, le coût des fonctions support ou de management.

Pourquoi l’OPEX IT est la mère des batailles ?

En raison principalement de deux facteurs qui conditionnent le coût global d’un système d’information :

  • Le coût d’unité d’œuvre,
  • Le nombre d’unités d’œuvre.

Le coût d’unité d’œuvre est l’assemblage d’éléments techniques (matériels, logiciels, services en ligne) et de prestations de service qui délivre le service final attendu du client du SI.

Jusqu’au début des années 2000, le coût d’unité d’œuvre était la responsabilité de la Direction des Systèmes d’Information, laquelle dans les faits, réalisait la quasi-totalité des choix technologiques du SI.

La montée en puissance de la consommation à l’usage (Saas), de la location (logicielle et matérielle) et du Cloud (services hébergés) a modifié cette responsabilité qui se rééquilibre entre les directions métier et les DSI.

Le phénomène qui illustre le mieux ce « partage » des responsabilités est le fameux shadow IT, source d’opportunités (accélération du Time du Market, dé-complexification du SI) et de risques (sécurité et conformité des services souscrits par rapport à une politique globale de l’entreprise).

Concrètement, le coût d’unité d’œuvre n’est plus totalement de la responsabilité de la DSI qui malgré tout, dans l’inconscient collectif de l’organisation, reste le responsable de ce coût (un malentendu entre la compétence technique et la responsabilité des choix).

Le nombre d’unités d’œuvre relève uniquement du choix discrétionnaire des directions métier : le nombre de pc pour équiper une équipe, le nombre de licences du module Achats, le temps de réponse d’édition d’une facture, le nombre d’articles à gérer dans le portail e-commerce, le nombre de flux de données à gérer pour opérer un service (par exemple la sauvegarde des données transactionnelles d’un système ERP).

On comprend ainsi en quoi l’OPEX IT est la mère des batailles. En effet, le coût d’UO subit de plein fouet la hausse des coûts externes depuis 2021, avec plus de 10% voire 15% parfois suivant les organisations, sans que le client ait son mot à dire.

Alors que les investissements visent à renforcer directement la valeur de l’entreprise (renforcement ou renouvellement de la capacité à délivrer les services et produits), les charges sont logiquement perçues comme un frein à la compétitivité même si paradoxalement, en regardant de plus près leur nature, elles sont tout aussi importantes pour assurer le cycle d’exploitation.

C’est dans la volumétrie et la répartition de ces charges qu’il faut rechercher plutôt les véritables leviers pour assainir une situation parfois incontrôlable.

Passer d’une logique défensive à une logique offensive : création de valeur pour les DSI

Pressé par l’opérationnel et les projets, le calendrier des DSI voit le cycle d’élaboration budgétaire régulièrement s’inviter, mais dans un timing peu propice à une action de fond sur l’optimisation des budgets et l’engagement d’une démarche de création de valeur.

Pourtant c’est bien en travaillant sur la valeur que les DSI seront en mesure d’engager un dialogue efficace sur la performance financière du SI, l’approche réduite strictement au cost-killing ayant toujours démontré une paupérisation des actifs du SI et une mise en danger des activités d’une organisation.

Lors de nos missions, nous avons eu l’occasion de conduire les deux approches pour des collectivités comme des entreprises.

Voici les principaux leviers actionnables :

  • Dans une logique défensive, il s’agira de s’assurer
  1. que les actifs du SI sont utilisés,
  2. que les coûts d’exploitation de ces actifs sont au bon niveau,


De nombreuses questions seront abordées, qui tournent principalement autour :

  • de la connaissance des actifs du SI (inventaire, prix d’achat),
    • de la traçabilité d’affectation de ces actifs (éviter notamment les pertes, les vols, le sur-stock …),
    • de l’adéquation des actifs au besoin (le nombre de licences ou de matériels correspond-il aux besoins et ce nombre est-il ajusté à la bonne fréquence ?),
    • du support réalisé sur l’usage de ces actifs (formation, assistance helkp-desk),
    • du coût facturé sur ces actifs (renégociation gré à gré avec les fournisseurs),
    • de la mise en œuvre (delivery) et du maintien en condition opérationnelle (sécurité, évolutions) de ces actifs.
  • Dans une logique offensive, on s’appuiera sur :
    • la mesure de la valeur créée,
    • la réalisation d’investissements qui visent à réduire le poids de l’OPEX IT et/ou à augmenter le chiffre d’affaires et la productivité des équipes métier,
    • la mutualisation des achats.

La mesure de la valeur créée est un chantier au long cours, à démarrer dès que possible avec les métiers et l’appui du contrôle de gestion :

  • L’obsolescence technique et la complexité intrinsèque du SI induisent-ils une non-qualité dans les processus métier ?
    • Les fonctionnalités sont-elles utilisées « à plein régime » de telle sorte qu’il n’est pas nécessaire de recourir à d’autres opérations et outils pour réaliser son activité ?
    • La gestion du cycle de vie de la donnée est-il adapté (intégrité, unicité, pertinence, fréquence, contenu) et si oui, pour quel résultat (pilotage opérationnel, détection d’opportunités ou de risques, nouveaux services pour le client),
    • Les gains (à décrire systématiquement par le métier et à objectiver par le contrôle de gestion) sont-ils bien au rendez-vous des solutions utilisées ?

La réalisation d’investissements fait partie de l’arsenal à activer dans cette stratégie globale de création de valeur :

  • En renouvelant le socle technologique pour réduire la dette IT mais en veillant toujours à apporter un bénéfice concret et validé au préalable des directions métier.

    Changer un ETL vieillissant pour un autre ETL n’est entendable que si une démarche de micro-services ou de Webservices est mise en oeuvvre et rend immédiatement accessibles des gains (qualité et accès à la donnée notamment, donc réduction des multiples opérations et retraitements manuels).
  • En proposant des services activables à la demande pour les directions métier (plate-forme d’exploitation, logiciel Low-code ou No-Code) pour accélérer le time-to-market,
  • En créant une plate-forme Data (adossée à une démarche de fond sur la culture data de l’organisation « Data Driven Enterprise ») pour mettre en valeur des corrélations insoupçonnées au sein des datalakes et autres bases de données, et créatrices de valeur (nouveau service, réduction des coûts …).

Enfin la mutualisation des achats est également un puissant levier offensif.

Ce levier commence à être significatif dès lors qu’il concerne plusieurs entreprises ou organisations publiques.

L’exemple de l’UGAP démontre que sur certains achats et pour certaines tailles d’organisations publiques, la performance peut être au rendez-vous.

Il existera des contre-exemples de fournisseurs en mesure de vous délivrer à titre ponctuel, un service ou un matériel. Mais sera-t-il en mesure de le faire régulièrement, en passant à une échelle supérieure, en restant dans les mêmes conditions de qualité, coût, délai ?

C’est là que la mutualisation des achats apporte une valeur supplémentaire en sécurisant la qualité de services, la relation avec le fournisseur et en apportant aussi un effet volume qui permet de réduire le prix d’achat.

Pour les entreprises privées, la mutualisation des achats (hors accord interentreprises ou approche fédérée via une organisation de type CIGREF) reste moins développée que dans le secteur public.

En synthèse

L’exercice budgétaire reste un incontournable de la vie des organisations.

Son optimisation par la seule approche par les coûts n’est plus possible et nécessite désormais la mise en œuvre d’une double logique à la fois défensive (ce que les DSI connaissent) et d’une logique offensive, plutôt nouvelle dans les habitudes du pilotage du SI et qui demande plus de temps et d’investissement.

C’est pourtant cette dernière logique, celle de la création de valeur, qui va s’inviter de plus en plus dans l’agenda des DSI à commencer par celui de l’année 2024.